Now*here
Pensées, inspirations et exploration
Une grande partie des changements intérieurs récents et le tournant qu’a pris ma vie aujourd’hui relèvent de la sphère privée, et je ne vous accablerai pas ici de détails dignes d’un journal intime…:)Je résumerais simplement en disant que j’ai appris énormément sur moi-même et sur le chemin parcouru depuis plus d’une année (et mon départ de Paris, le début de mon voyage, ma séparation…). Je réalise chaque jour un peu plus l’importance de ce voyage d’une année, des rencontres et des expériences que j’ai vécues, dans un processus d’émancipation vis-à-vis de certaines couches de conditionnement d’une part : attachement aux aspects matériels d’une vie «ordinaire », attachement aux lieux, attachement à « mes » élèves (!!!), attachement à une position sociale et à une certaine image de moi-même, qui puisse correspondre à ce que mes proches (amis et famille) attendent de moi. Il s’agissait aussi, d’autre part, de ce que j’ai perçu - encore plus clairement récemment- comme un processus de guérison. Guérison de blessures évidentes et récentes, mais aussi de blessures plus anciennes et profondes, nos faiblesses s’enchevêtrant nécessairement les unes aux autres dans la complexité de notre être, que nous tentons chaque jour de démêler un peu plus. On croit toujours identifier un problème après l’autre, comme des batailles qui peuvent s’isoler pour être combattues seule…n’est-ce-pas? A chaque « problème », une « solution »…N’est-ce pas ce que notre esprit tente constamment de construire…(essayer de méditer, vous verrez!): des problèmes (quelque soit leur amplitude, de la plus pratique et minime à la plus existentielle) , qui peuvent trouver des solutions, et nous maintenir dans l’illusion que : 1) après la résolution de tel et tel problème, nous pourrons finalement trouver une paix intérieure et ressentir la joie qui en découle, 2) nous savons quel est « le problème » et d’où il provient et 3) nous avons le contrôle sur la mise en oeuvre des solutions et l’accès à la source du problème. Or, la prise de distance liée au voyage, à l’espace crée par moins de charge mentale, moins de compromis, moins d’activité, moins d’engagements, nous permet de regarder l’eau troublée du jus d’orange (Thich Nhath Hanh) se mouvoir dans un contenant plus large et non pas à travers chaque goutte qui nous fait souffrir ( en quelque sorte, on sort le nez du guidon). Ce qui rend la tâche de connaissance de soi et de guérison beaucoup plus diffuse, plus profonde, comme si une toile d’araignée gigantesque se dessinait sous nos yeux pour nous révéler la complexité des constructions permanentes de notre esprit, peuplées de mécanismes automatiques inconscients, de traumatismes parfois, d’émotions refoulées souvent, de désirs frustrés..Elle nous apparaît comme une montagne gigantesque à gravir, où il faudrait choisir le chemin le plus ardu pour faire l’ascension. You gotta do the work!! Et pourtant, cette tâche semble tout d’un coup réelle, vraie, possible, comme si une sensation très forte de vertige nous prenais, très difficile à expliquer, que j’apparente pour ma part à « l’intuition » , et qui nous murmure que nous sommes - finalement- sur la bonne voie. Forcément, les solutions rapides que nous avions l’habitude de trouver dans notre vie effrénée passée, des « quick fix » qui semblaient si faciles et efficaces pour colmater des trous, des plaies, des vides, pour ne laisser aucune question sans réponse, aucun doute sans certitude, aucun futur dans l’inconnu. Mais je retombais constamment sur les mêmes obstacles, tôt au tard, reproduisant des mécanismes sans les repérer à l’avance, ou ressentant une nouvelle insatisfaction qui entraînerait encore un besoin de solution pour un nouveau problème. Une fois cette réalisation que les petits pas, la patience, l’abandon de l’illusion de contrôle, (le lâcher-prise - faites beaucoup de Yin Yoga! :) et beaucoup de rien!) la confiance et surtout…la foi , sont nos alliés sur notre cheminement personnel, une paix intérieure dans l’instant présent est prête à s’installer - et à être sans cesse cultivée. Il s’agit de l’acceptation : de notre monde intérieur, de notre esprit dans sa complexité et les tours qu’ils nous joue pour nous « protéger » sur la base de nos expériences passées et de notre conditionnement, de nos mécanismes de défense (différents pour chacun) . Nous pouvons accepter nos faiblesses, nos insécurités, nos peurs, ainsi que plus largement notre part de « mal » - constat fondamental que nous ne sommes pas des êtres manichéens, complètement bons ou mauvais, sages ou fous, beaux ou laids, en paix ou torturés, altruistes ou égoïstes, gentils ou méchants, forts ou faibles…Si vous vous considérez uniquement « blanc » ou « noir » dans l’une de ces catégories, comprenez que cela ne peut être qu’une illusion! Nous sommes par essence, (à moins d’avoir retrouvé notre état naturel de Samadhi et un retour à l’unité avec la conscience universelle, la Réalité, le Soi) des êtres d’équilibres et de déséquilibres, donc de dualités et de contradictions, c’est ce qui nous différencie les uns des autres et nous fait nous percevoir différent de l’autre, ce qui est à l’origine de la discrimination (différenciation versus une seule grande réalité). Ces derniers mois, j’ai ressenti une nouvelle fois ce que la phrase si souvent répétée « rien n’arrive par hasard » pourrait vouloir dire, au-delà de ce qu’elle peut impliquer comme foi en une force supérieure ou une destinée. Le mot « hasard » a pour étymologie le mot arabe « al-zahr » signifiant les dés (jeu de dés), et se référant donc à la chance qui détermine l’issue du lancer de dés. Les événements qui se succèdent dans notre vie ne relèvent pas d’un lancer de dés aléatoire produisant des conséquences inattendues ou des coïncidences. Plutôt, il se produisent 1) dans une construction d’événements passés, il sont l’aboutissement de la collection des expériences passées , la succession d’événements et d’actions ayant mené nécessairement à l’instant présent et 2) la façon dont nous allons vivre ces événements, y réagir, les interpréter, les lire, va dépendre également d’une construction complexe de toutes nos croyances et expériences passées cumulées (déterminant ce que je perçois comme des « ouvertures » et des « fermetures » aux différents événements que je rencontre ) . Par exemple, je rencontre une personne à un moment précis - cela peut représenter soit un événement banal qui n’aura qu’un impact mineur sur les événements futurs de ma vie, car je suis plutôt dans des dispositions de fermetures vis-à-vis de cette personne pour différentes raisons (je fais le choix inconscient de ne pas « accepter » cette personne dans ma vie ou de ne pas lui laisser trop d’espace, je ne suis pas réceptive à son discours, à ses actions, à sa personne, ou bien j’ai des réticences, des peurs, liées à des histoires passées, ou des identifications , projections…je perçois des différences qui me mettent trop en danger dans mes mécanismes habituels pour les accepter, ou encore j’ai une réaction négative, dans la pensée ou dans les émotions et le ressenti etc etc). Ou bien, cette rencontre peut représenter un événement bouleversant dans ma vie car je me place dans une posture d’ouverture totale vis-à-vis de cette personne et de ce qu’elle représente, ce qu’elle est, ce qu’elle me transmet…(je « vois » la beauté ou la profondeur en elle, je comprends son être, son langage, sa façon d’être au monde, d’exister, je m’identifie, je me sens reliée par l’expérience ou le système de croyances, de références, je perçois des ressemblances qui sont rassurantes, attirantes ou des complémentarités qui répondent à mes manques, mes besoins etc…). En cela, je pourrais à la suite de cette rencontre et de ses conséquences, soit oublier complètement ou presque qu’elle a eu lieu et continuer le cours de ma vie, soit observer que cette rencontre a pris une importance capitale dans ma vie et me semble répondre à tant de questions, auquel cas je me surprendrais à observer que.. « rien n’arrive par hasard », comme si la seule « destinée » (ou l’univers) était responsable de ce changement dans ma vie. Elle a peut-être mis cette personne sur ma route (elle est en partie en cause dans l’événement) , mais j’ai également choisi cette personne pour construire la suite de mon récit personnel. Vous pouvez décliner cet exemple à tous les événements et les non-événements qui vous arrivent, un nouveau travail, un nouveau lieu de vie, un nouveau projet, une fin, une séparation, un deuil, une création, un voyage. Ce que cela souligne, à mon sens ,est ce besoin absolu que nous avons de donner un sens. Donner un sens à notre vie, à nos choix, à nos actions, nos relations. Nous sommes perpétuellement en train de nous questionner sur la cohérence sémantique de notre récit. Le récit de ma vie est-il cohérent, est-il logique, ou suis-je troublé par les contradictions que j’y relève? Nous écrivons tous les jours une histoire pour raconter qui nous sommes, pourquoi nous faisons ce que nous faisons, et quel est notre but, notre point d’arrivée, à quoi veut-on en venir?! Ce récit, nous le narrons pour nous-mêmes, afin de se sentir « rassuré » et «légitimé » dans la vie que nous menons, de faire valoir notre place et de donner un sens à notre vie. Il nous permet aussi d’accepter la souffrance dans nos vies, car à défaut de l’accepter et de l’accueillir, nous trouvons alors un moyen de la « justifier » …Ce récit est aussi celui que nous donnons aux autres, pour construire une identité, pour être acceptés des autres et être aimés. Mais nous sommes dans une illusion de contrôle encore une fois: à travers la fixation d’éléments identitaires, de notre personnalité, et la planification de notre vie (je suis comme ci ou comme ça, je dois faire ça pour pour atteindre cela), nous croyons avoir un contrôle sur la vie que nous n’avons pas une seconde. Nous pensons avoir « compris » le sens de notre vie, identifié un objectif ou plusieurs, et être dans le « vrai » en agissant dans cette direction de façon linéaire. Or, rien n’est moins linéaire que la vie et ses aléas, que les émotions humaines et notre psyché, et rien n’est moins figé que notre état intérieur et nos émotions ou les circonstances extérieures dans lesquelles nous évoluons. On doit au contraire garder en permanence à l’esprit le constat que nous ne savons rien, ou une toute petite partie (émergée de l’iceberg - le conscient) , de nous-mêmes et du fonctionnement de l’être humain en général, que nous n’avons absolument pas le contrôle sur notre vie et les événements extérieurs qui se présenteront à nous, et que toute chose est impermanente. Rien ne peut donc être fixé ou modélisé (mode de vie, personnalité, goûts, besoins, désirs, émotions, pensées), le mouvement est constant dans l’univers, comme nous le montre l’évolution et va et vient permanent de nos pensées, mais aussi le mouvement constant de la vie (biologie, cycle de naissance et de mort). Ici aussi, la prise de distance par rapport à nos récits de vie, à leur gravité, à leur caractère soi-disant immuable, est un bon exercice de guérison, d’apprentissage sur soi. Le dernier stage de Yin Yoga que j’ai passé avec Biff Mithoefer en Grèce le mois dernier était consacré à l’exploration du Story telling: la puissance des contes de fées comme support de lecture de notre monde intérieur, de nos difficultés ou de nos attachements. Grâce à l’analyse collective des contes, et des réactions individuelles face aux personnages et aux événements narrés, il est possible de les utiliser comme des miroirs de soi, et d’identifier certaines « fermetures » ou « ouvertures » face à notre vie, qui étaient parfois encore inconscientes. Une fois ramenées à la surface, ces réalisations nous permettent d’identifier nos propres « histoires », celles que nous nous racontons et racontons aux autres avec habitude : il est alors plus facile de les extérioriser (c’est le but du cercle de parole et du climat d’acceptation et de bienveillance crées) et de s’en distancier, pour accepter finalement de se détacher des récits qui ne sous servent plus et nous font souffrir, et ainsi faire naître de nouvelles histoires qui élèvent notre être dans le moment présent. Si vous n’avez jamais essayé d’écrire certaines de vos histoires et mythes personnels sous la forme d’une fiction à la façon d’un conte de fées, ou du moins à la troisième personne du singulier quelque soit le style que vous adoptez, fates-en l’expérience, c’est particulièrement révélateur, et libérateur. La leçon la plus forte à en tirer et que nous avons le pouvoir de laisser de côté la position de victime qui nous enferme dans une souffrance cyclique ou nous empêche d’opérer certains changements dans nos vies (sentiment permanent d’être incompris, ou peu aimé, ou rejeté, ou pas assez bon/bien etc) . Certains exercices de visualisations (méditations ou vous tentez de vous visualiser à différentes périodes de votre vie - pour être observateur de certaines émotions et situations plutôt que victimes), ont le même objectif, mais j’ai trouvé le récit écrit beaucoup plus efficace, et durable car vous conservez la trace écrite que vous pouvez partager à certains proches, intimes, ou relire régulièrement pour faire face à un sentiment d’impasse. Les personnes autour de vous, vos amis, votre famille, votre amour encore plus si vous partagez sa vie et son intimité, sont de très bons miroirs pour explorer votre être intérieur. Observez vos réactions à leurs discours, leurs actions, leur choix. Ne rangez pas ces réactions dans la case « différences » ou « jugement » ou « incompréhensions » ou encore « jalousies », mais plutôt posez-vous la question « que puis-je apprendre de moi et de mes mécanismes, mes peurs, mes croyances, mes désirs, à travers cette réaction? » . Si vous avez la chance de pouvoir en parler avec eux, pour réaliser cet exercice à deux, dans la compréhension et la bienveillance, c’est encore plus efficace, mais même seul vous pouvez faire cet exercice. Cela peut vous aider à comprendre ce qui en vous provoque la réaction (et non chez l’autre- car toute réaction provient de votre intérieur) - et ainsi à mieux vous connaître, vous acceptez, vous aimer même! Et donc mieux savoir comment être en relation avec les autres, et les aimer en diminuant la souffrance. Pour conclure, le processus de guérison entamé l’an dernier et marqué notamment au mois de septembre par le premier stage avec Biff à Munich et ma vraie rencontre avec le Yin Yoga, la notion d’acceptation de soi et lâcher prise, a connu une nouvelle étape de bilan importante à l’issue de cette année voyage, en Grèce exactement un an plus tard, juste après un été chargé en bouleversements affectifs. Je parle d’une nouvelle étape, car le processus d’étude de soi, d’introspection, n’est jamais terminé, et chaque boucle bouclée ouvre un nouveau cycle d’évolution et de compréhension. Toute tentative de contrôle et de « régler » une situation ou trouver « la » solution, engendrera un conflit intérieur et de la souffrance, même si on l’identifie comme une satisfaction à court terme (croyez-moi je suis une grande adepte du contrôle…) ; car on ne peut s’opposer à l’essence de la vie elle-même, à sa qualité d’évolution constante et d’imprévisibilité. Ce serait nager à contre courant. C’est ce qui je trouve si beau dans la notion d’impermanence, c’est que le chemin n’a pas de point d’arrivée, mais uniquement des nouveaux points de départ, et nous nous tenons comme les héros des contes de fées, debout à l’orée d’une nouvelle forêt, symbole du paysage de notre inconscient, entre inconnu effrayant et promesse de merveilleux. Chaque matin, est un nouveau point de départ…
0 Commentaires
|
AuteurProfesseur d'Ashtanga / Vinyasa yoga et voyageur avide Archives
Octobre 2018
Catégories |