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sonia ama

Now*here


Pensées, inspirations et exploration

Il était une fois...

10/1/2018

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​Une grande partie des changements intérieurs récents et le tournant qu’a pris ma vie aujourd’hui relèvent de la sphère privée, et je ne vous accablerai pas ici de détails dignes d’un journal intime…:)Je résumerais simplement en disant que j’ai appris énormément sur moi-même et sur le chemin parcouru depuis plus d’une année (et mon départ de Paris, le début de mon voyage, ma séparation…). Je réalise chaque jour un peu plus l’importance de ce voyage d’une année, des rencontres et des expériences que j’ai vécues, dans un processus d’émancipation vis-à-vis de certaines couches de conditionnement d’une part : attachement aux aspects matériels d’une vie «ordinaire », attachement aux lieux, attachement à « mes » élèves (!!!), attachement à une position sociale et à une certaine image de moi-même, qui puisse correspondre à ce que mes proches (amis et famille) attendent de moi. Il s’agissait aussi, d’autre part, de ce que j’ai perçu - encore plus clairement récemment- comme un processus de guérison.


Guérison de blessures évidentes et récentes, mais aussi de blessures plus anciennes et profondes, nos faiblesses s’enchevêtrant nécessairement les unes aux autres dans la complexité de notre être, que nous tentons chaque jour de démêler un peu plus. On croit toujours identifier un problème après l’autre, comme des batailles qui peuvent s’isoler pour être combattues seule…n’est-ce-pas? A chaque « problème », une « solution »…N’est-ce pas ce que notre esprit tente constamment de construire…(essayer de méditer, vous verrez!): des problèmes (quelque soit leur amplitude, de la plus pratique et minime à la plus existentielle) , qui peuvent trouver des solutions, et nous maintenir dans l’illusion que : 1) après la résolution de tel et tel problème, nous pourrons finalement trouver une paix intérieure et ressentir la joie qui en découle, 2) nous savons quel est « le problème » et d’où il provient et 3) nous avons le contrôle sur la mise en oeuvre des solutions et l’accès à la source du problème.


Or, la prise de distance liée au voyage,  à l’espace crée par moins de charge mentale, moins de compromis, moins d’activité, moins d’engagements, nous permet de regarder l’eau troublée du jus d’orange (Thich Nhath Hanh) se mouvoir dans un contenant plus large et non pas à travers chaque goutte qui nous fait souffrir ( en quelque sorte, on sort le nez du guidon).
Ce qui rend la tâche de connaissance de soi et de guérison  beaucoup plus diffuse, plus profonde, comme si une toile d’araignée gigantesque se dessinait sous nos yeux pour nous révéler la complexité des constructions permanentes de notre esprit, peuplées de mécanismes automatiques inconscients, de traumatismes parfois,  d’émotions refoulées souvent, de désirs frustrés..Elle nous apparaît comme une montagne gigantesque à gravir, où il faudrait choisir le chemin le plus ardu pour faire l’ascension. You gotta do the work!!


Et pourtant, cette tâche semble tout d’un coup réelle, vraie, possible, comme si une sensation très forte de vertige nous prenais, très difficile à expliquer, que j’apparente pour ma part à « l’intuition » , et qui nous murmure que nous sommes  - finalement- sur la bonne voie. Forcément, les solutions rapides que nous avions l’habitude de trouver dans notre vie effrénée passée, des « quick fix » qui semblaient si faciles et efficaces pour colmater des trous, des plaies, des vides, pour ne laisser aucune question sans réponse, aucun doute sans certitude, aucun futur dans l’inconnu. Mais je retombais constamment sur les mêmes obstacles, tôt au tard, reproduisant des mécanismes sans les repérer à l’avance, ou ressentant une nouvelle insatisfaction qui entraînerait encore un besoin de solution pour un nouveau problème.
Une fois cette réalisation que les petits pas, la patience, l’abandon de l’illusion de contrôle, (le lâcher-prise - faites beaucoup de Yin Yoga! :) et beaucoup de rien!)   la confiance et surtout…la foi , sont nos alliés sur notre cheminement personnel, une paix intérieure dans l’instant présent est prête à s’installer - et à être sans cesse cultivée. Il s’agit de l’acceptation : de notre monde intérieur, de notre esprit dans sa complexité et les tours qu’ils nous joue pour nous « protéger »  sur la base de nos expériences passées et de notre conditionnement, de nos mécanismes de défense (différents pour chacun)


. Nous pouvons accepter nos faiblesses, nos insécurités, nos peurs, ainsi que plus largement notre part de « mal » - constat fondamental que nous ne sommes pas des êtres manichéens, complètement bons ou mauvais, sages ou fous, beaux ou laids, en paix ou torturés, altruistes ou égoïstes, gentils ou méchants, forts ou faibles…Si vous vous considérez uniquement « blanc » ou « noir » dans l’une de ces catégories, comprenez que cela ne peut être qu’une illusion! Nous sommes par essence, (à moins d’avoir retrouvé notre état naturel de Samadhi et un retour à l’unité avec la conscience universelle, la Réalité, le Soi) des êtres d’équilibres et de déséquilibres, donc de dualités et de contradictions, c’est ce qui nous différencie les uns des autres et nous fait nous percevoir différent de l’autre, ce qui est à l’origine de la discrimination (différenciation versus une seule grande réalité).



Ces derniers mois, j’ai ressenti une nouvelle fois ce que la phrase si souvent répétée « rien n’arrive par hasard » pourrait vouloir dire, au-delà de ce qu’elle peut impliquer comme foi en une force supérieure ou une destinée. Le mot « hasard » a pour étymologie le mot arabe « al-zahr » signifiant les dés (jeu de dés), et se référant donc à la chance qui détermine l’issue du lancer de dés. Les événements qui se succèdent dans notre vie ne relèvent pas d’un lancer de dés aléatoire produisant des conséquences inattendues ou des coïncidences. Plutôt, il se produisent 1) dans une construction d’événements passés, il sont l’aboutissement de la collection des expériences passées , la succession d’événements et d’actions ayant mené nécessairement à l’instant présent et 2) la façon dont nous allons vivre ces événements, y réagir, les interpréter, les lire, va dépendre également d’une construction complexe de toutes nos croyances et expériences passées cumulées (déterminant ce que je perçois comme des « ouvertures » et des « fermetures » aux différents événements que je rencontre ) .


Par exemple, je rencontre une personne à un moment précis - cela peut représenter soit un événement banal qui n’aura qu’un impact mineur sur les événements futurs de ma vie, car je suis plutôt dans des dispositions de fermetures vis-à-vis de cette personne pour différentes raisons (je fais le choix inconscient de ne pas « accepter » cette personne dans ma vie ou de ne pas lui laisser trop d’espace, je ne suis pas réceptive à son discours, à ses actions, à sa personne, ou bien j’ai des réticences, des peurs, liées à des histoires passées, ou des identifications , projections…je perçois des différences qui me mettent trop en danger dans mes mécanismes habituels pour les accepter, ou encore j’ai une réaction négative, dans la pensée ou dans les émotions et le ressenti etc etc). Ou bien, cette rencontre peut représenter un événement bouleversant dans ma vie car je me place dans une posture d’ouverture totale vis-à-vis de cette personne et de ce qu’elle représente, ce qu’elle est, ce qu’elle me transmet…(je « vois » la beauté ou la profondeur en elle, je comprends son être, son langage, sa façon d’être au monde, d’exister, je m’identifie, je me sens reliée par l’expérience ou le système de croyances, de références, je perçois des ressemblances qui sont rassurantes, attirantes ou des complémentarités qui répondent à mes manques, mes besoins etc…).


En cela, je pourrais à la suite de cette rencontre et de ses conséquences, soit oublier complètement ou presque qu’elle a eu lieu et continuer le cours de ma vie, soit observer que cette rencontre a pris une importance capitale dans ma vie et me semble répondre à tant de questions, auquel cas je me surprendrais à observer que.. « rien n’arrive par hasard », comme si la seule « destinée » (ou l’univers) était responsable de ce changement dans ma vie. Elle a peut-être mis cette personne sur ma route (elle est en partie en cause dans l’événement) , mais j’ai également choisi cette personne pour construire la suite de mon récit personnel.


Vous pouvez décliner cet exemple à tous les événements et les non-événements qui vous arrivent, un nouveau travail, un nouveau lieu de vie, un nouveau projet, une fin, une séparation, un deuil, une création, un voyage. Ce que cela souligne, à mon sens ,est ce besoin absolu que nous avons de donner un sens. Donner un sens à notre vie, à nos choix, à nos actions, nos relations. Nous sommes perpétuellement en train de nous questionner sur la cohérence sémantique de notre récit. Le récit de ma vie est-il cohérent, est-il logique, ou suis-je troublé par les contradictions que j’y relève? Nous écrivons tous les jours une histoire pour raconter qui nous sommes, pourquoi nous faisons ce que nous faisons, et quel est notre but, notre point d’arrivée, à quoi veut-on en venir?!


Ce récit, nous le narrons pour nous-mêmes, afin de se sentir « rassuré » et «légitimé » dans la vie que nous menons, de faire valoir notre place et de donner un sens à notre vie. Il nous permet aussi d’accepter la souffrance dans nos vies, car à défaut de l’accepter et de l’accueillir, nous trouvons alors un moyen de  la « justifier » …Ce récit est aussi celui que nous donnons aux autres, pour construire une identité, pour être acceptés des autres et être aimés. Mais nous sommes dans une illusion de contrôle encore une fois: à travers la fixation d’éléments identitaires, de notre personnalité, et la planification de notre vie (je suis comme ci ou comme ça, je dois faire ça pour pour atteindre cela), nous croyons avoir un contrôle sur la vie que nous n’avons pas une seconde. Nous pensons avoir « compris » le sens de notre vie, identifié un objectif ou plusieurs, et être dans le « vrai » en agissant dans cette direction de façon linéaire. Or, rien n’est moins linéaire que la vie et ses aléas, que les émotions humaines et notre psyché, et rien n’est moins figé que notre état intérieur et nos émotions ou les circonstances extérieures dans lesquelles nous évoluons.


On doit au contraire garder en permanence à l’esprit le constat que nous ne savons rien, ou une toute petite partie (émergée de l’iceberg - le conscient) , de  nous-mêmes et du fonctionnement de l’être humain en général, que nous n’avons absolument pas le contrôle sur notre vie et les événements extérieurs qui se présenteront à nous, et que toute chose est impermanente. Rien ne peut donc être fixé ou modélisé (mode de vie, personnalité, goûts, besoins, désirs, émotions, pensées), le mouvement est constant dans l’univers, comme nous le montre l’évolution et va et vient permanent de nos pensées, mais aussi le mouvement constant de la vie (biologie, cycle de naissance et de mort).


Ici aussi, la prise de distance par rapport à nos récits de vie, à leur gravité, à leur caractère soi-disant immuable, est un bon exercice de guérison, d’apprentissage sur soi. Le dernier stage de Yin Yoga que j’ai passé avec Biff Mithoefer en Grèce le mois dernier était consacré à l’exploration du Story telling: la puissance des contes de fées comme support de lecture de notre monde intérieur, de nos difficultés ou de nos attachements. Grâce à l’analyse collective des contes, et des réactions individuelles face aux personnages et aux événements narrés, il est possible de les utiliser comme des miroirs de soi, et d’identifier certaines « fermetures » ou « ouvertures » face à notre vie, qui étaient parfois encore inconscientes. Une fois ramenées à la surface, ces réalisations nous permettent d’identifier nos propres « histoires », celles que nous nous racontons et racontons aux autres avec habitude : il est alors plus facile de les extérioriser (c’est le but du cercle de parole et du climat d’acceptation et de bienveillance crées) et de s’en distancier, pour accepter finalement de se détacher des récits qui ne sous servent plus et nous font souffrir, et ainsi faire naître de nouvelles histoires qui élèvent notre être dans le moment présent.


Si vous n’avez jamais essayé d’écrire certaines de vos histoires et mythes personnels sous la forme d’une fiction à la façon d’un conte de fées, ou du moins à la troisième personne du singulier quelque soit le style que vous adoptez, fates-en l’expérience, c’est particulièrement révélateur, et libérateur. La leçon la plus forte à en tirer et que nous avons le pouvoir de laisser de côté la position de victime qui nous enferme dans une souffrance cyclique ou nous empêche d’opérer certains changements dans nos vies (sentiment permanent d’être incompris, ou peu aimé, ou rejeté, ou pas assez bon/bien etc) .


Certains exercices de visualisations (méditations ou vous tentez de vous visualiser à différentes périodes de votre vie - pour être observateur de certaines émotions et situations  plutôt que victimes), ont le même objectif, mais j’ai trouvé le récit écrit beaucoup plus efficace, et durable car vous conservez la trace écrite que vous pouvez partager à certains proches, intimes, ou relire régulièrement pour faire face à un sentiment d’impasse.


Les personnes autour de vous, vos amis, votre famille, votre amour encore plus si vous partagez sa vie et son intimité, sont de très bons miroirs pour explorer votre être intérieur. Observez vos réactions à leurs discours, leurs actions, leur choix. Ne rangez pas ces réactions dans la case « différences » ou « jugement » ou « incompréhensions » ou encore « jalousies », mais plutôt posez-vous la question « que puis-je apprendre de moi et de mes mécanismes, mes peurs, mes croyances, mes désirs, à travers cette réaction? » . Si vous avez la chance de pouvoir en parler avec eux, pour réaliser cet exercice à deux, dans la compréhension et la bienveillance, c’est encore plus efficace, mais même seul vous pouvez faire cet exercice. Cela peut vous aider à comprendre ce qui en vous provoque la réaction (et non chez l’autre- car toute réaction provient de votre intérieur) - et ainsi à mieux vous connaître, vous acceptez, vous aimer même! Et donc mieux savoir comment être en relation avec les autres, et les aimer en diminuant la souffrance.


Pour conclure, le processus de guérison entamé l’an dernier et marqué notamment au mois de septembre par le premier stage avec Biff à Munich et ma vraie rencontre avec le Yin Yoga, la notion d’acceptation de soi et lâcher prise, a connu une nouvelle étape de bilan importante à l’issue de cette année voyage, en Grèce exactement un an plus tard, juste après un été chargé en bouleversements affectifs. Je parle d’une nouvelle étape, car le processus d’étude de soi, d’introspection, n’est jamais terminé, et chaque boucle bouclée ouvre un nouveau cycle d’évolution et de compréhension. Toute tentative de contrôle et de « régler » une situation ou trouver « la » solution, engendrera un conflit intérieur et de la souffrance, même si on l’identifie comme une satisfaction à court terme (croyez-moi je suis une grande adepte du contrôle…) ;  car on ne peut s’opposer à l’essence de la vie elle-même, à sa qualité d’évolution constante et d’imprévisibilité. Ce serait nager à contre courant.
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C’est ce qui je trouve si beau dans la notion d’impermanence, c’est que le chemin n’a pas de point d’arrivée, mais uniquement des nouveaux points de départ, et nous nous tenons comme les héros des contes de fées, debout à l’orée d’une nouvelle forêt, symbole du paysage de notre inconscient, entre inconnu effrayant et promesse de merveilleux. Chaque matin, est un nouveau point de départ…

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Vers une existence pleinement consciente

3/26/2018

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​Exister dans le moment présent, être pleinement en vie à chaque instant, ça s’apprend. C’est une leçon à vivre (comme les leçons que nous invite à intégrer Deepak Choprah dans La Voie du magicien) m’est apparue comme centrale une fois créé un « espace » dans ma vie, quand j’ai décidé de faire un break de  Paris et de mes cours, pour partir en voyage, me concentrer sur ma pratique, mes activités personnelles…J’ai parlé de ce pouvoir créateur qui se manifeste quand on autorise le « rien » ou le « silence » de l’esprit et du corps dans d’autres post précédemment. Si cette liberté et cette joie de se sentir vivant et à sa place me semble accessible dans le cadre de ce long voyage, je me doute bien déjà depuis quelques temps (lorsque je songe au « retour » ou à la « fin » du voyage , deux termes ayant par nature une connotation parfois difficile voir négative – alors qu’ils ne le sont pas !) que cet état de contentement (Santosa) et de joie profonde ne sera pas aussi facile à maintenir dans un contexte de vie différent.

Cependant, j’ai aussi réalisé que j’avais ressenti cet « état » de bien-être et de bonheur car j’avais choisi de créer les conditions nécessaires dans ma vie pour le rendre possible. Cet état d’épanouissement, je le crois sincèrement, est notre état naturel, si nous arrivons à nous dissocier de tous les conditionnements qui font obstacle à la réalisation de ce bonheur (qui est déjà là, mais que nous cachons, rendons flou ou détruisons avec des choix de vie, de pensées, d’actions, de relations qui ne sont pas justes ou bénéfiques)…Mais pourquoi alors est-ce si difficile de garder cet état de calme intérieur, de paix dans une vie moderne et citadine exaltée, dans un climat froid ou dans des relations sociales ou sentimentales complexes et stressantes… ? C’est comme si on se mettait au milieu d’une tempête en espérant ne pas se faire déraciner par le vent violent…nos racines profondes sont nourries, hydratées, heureuses (c’est notre intérieur)…mais nous sommes confrontés à tant de difficultés liées à ce qui constitue l’environnement extérieur (souvent construites de toutes part par la vie moderne et la vie en société). Par ailleurs, nous souffrons aussi d’un trop grand attachement (sujet que j’ai abordé dans un ancien post), à nos possessions matérielles ou aux autres – ces identifications étant sources de souffrance et donc cause d’éloignement de la personne heureuse et en paix que nous sommes par essence.

Si le voyage m’a sans aucun doute aidée à me sentir moins attachée (vivant avec très peu, n’ayant plus de maison, apprenant à être loin de mes amis et de ma famille sans cesser de les aimer), il ne m’a pas en lui-même préparée à rentrer et à garder l’état d’esprit et la qualité de mon mental (plus calme et en paix qu’il n’a jamais été peut-être…. !) pour le futur. Je réalise que cet état étant là – simplement recouvert de buée… ou de boue (No mud, No lotus…), il s’agit donc de prendre conscience des conditions qui le font remonter à la surface, qui le découvre..Je souhaiterais donc retourner en Europe, mais vivre différemment de la vie trépidante, hyperactive et stressante que j’avais à Paris ces dernières années…

Peut-être par exemple vivre dans un lieu plus calme, plus proche de la nature, si importante pour moi (pour qui ne l’est-elle pas… ?) avoir un peu moins de relations sociales mais cultiver mieux et sincèrement mes amitiés, avoir moins d’activités, mais agir en pleine conscience, de ma pleine volonté, en toute liberté. C’est donc ce dont il s’agit, de faire entrer la pleine conscience dans la vie le plus possible, ou de faire rentrer ma vie dans une pleine conscience…

J’inspire, j’ai conscience que j’inspire. J’expire, j’ai conscience que j’expire.

Pour moi, la pleine conscience se réfère à la qualité de notre présence au monde, et à notre capacité d’acceptation de ce qui « est ». Pour les artistes ayant déjà fait de la scène, on peut faire une analogie avec la présence sur scène. Quand je faisais de la danse dans mon enfance, je me souviendrai toujours de cette indication précise et insistante de notre professeur lorsque nous préparions le spectacle de danse de fin d’année…la présence sur scène : même quand ce n’est pas toi qui danses, ou que tu es dans le fond, sur un côté, dans le noir, peu importe, vous êtes tous sur scène et devez cultiver la même qualité de présence. Même chose bien sûr pour les comédiens, chez qui on peut souvent ressentir s’ils sont pleinement présents et conscients de ce qu’il se passe sur scène, et même pour les musiciens dans un orchestre par exemple.

Cet état de pleine présence, de présence claire, correspond aussi à une présence pleinement incarnée. J’entends par là une présence qui se ressent dans notre corps – comme si celui-ci cherchait à participer au maximum à l’expérience de la vie, à ce qui est en train de se tramer dans le moment présent. C’est donc avec toutes les cellules de mon corps que je suis en train de t’écouter par exemple, ou d’écrire ces lignes.  Quand je parle de notre capacité à accepter ce qui « est », je veux dire cet effort pour embrasser pleinement la réalité telle qu’elle est, telle qu’elle est présentée devant nous, avec le moins d’attentes et donc de jugements possible – qui en définitive ne nous causeront que de la souffrance, car nous ne pouvons pas changer ce qui « est »  - il nous faut donc l’accepter, afin d’avoir une chance de changer ce qui n’ « est » pas encore, la future réalité.

C’est comme ça, personnellement, que je ressens ce que peut recouvrir la notion de vivre en pleine conscience.  La pratique du Yoga (les asanas bien sûr, mais aussi le pranayama et la méditation) sont des outils très puissants pour accéder à une vie plus consciente, en développant une conscience de notre corps et de ses ressentis physiques et subtils, et développant une conscience de la respiration et de ses effets sur le corps et l’esprit, et en expérimentant de courts instants de vide/ ou on pourrait dire de « plein » e conscience lors de nos méditations. La respiration est l’outil le plus puissant je crois – car nous pouvons faire appel à lui à tout instant de la journée (dès que nous y pensons), pour nous ramener dans le moment présent, être pleinement conscient de celui-ci. Présence et Présent ont la même racine et la même signification d’une certaine façon, et pourtant cette évidence théorique n’en est pas une en pratique, puisque nous ressentons le besoin d’être « plus présent dans le moment présent »…

Dans un dossier rédigé par Christophe André (psychiatre à l’Hôpital Saint-Anne et enseignant à l’Université) qui utilise la méditation (et notamment la méditation de pleine conscience) pour aider ses patients, il mentionne que l’état de pleine conscience dont je parlais est décrite depuis longtemps par la littérature, avant que les scientifiques n’en parlent pour démontrer les effets neurologiques positifs des méditants.

"Comme toujours, les poètes ont précédé les scientifiques dans la description de la pleine conscience. Voilà une fort belle description de l’écrivain autrichien Hugo von Hofmannsthaln (1874-1929), qui souligne la dimension non verbale de cet état mental (extrait de la Lettre de lord Chandos) : « Depuis lors, je mène une existence que vous aurez du mal à concevoir, je le crains, tant elle se déroule hors de l’esprit, sans une pensée ; une existence qui diffère à peine de celle de mon voisin, de mes proches et de la plupart des gentilshommes campagnards de ce royaume, et qui n’est pas sans des instants de joie et d’enthousiasme. Il ne m’est pas aisé d’esquisser pour vous de quoi sont faits ces moments heureux ; les mots une fois de plus m’abandonnent. Car c’est quelque chose qui ne possède aucun nom et d’ailleurs ne peut guère en recevoir, cela qui s’annonce à moi dans ces instants, emplissant comme un vase n’importe quelle apparence de mon entourage quotidien d’un flot débordant de vie exaltée. Je ne peux attendre que vous me compreniez sans un exemple et il me faut implorer votre indulgence pour la puérilité de ces évocations. Un arrosoir, une herse à l’abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysan, tout cela peut devenir le réceptacle de mes révélations. Chacun de ces objets, et mille autres semblables dont un œil ordinaire se détourne avec une indifférence évidente, peut prendre pour moi soudain, en un moment qu’il n’est nullement en mon pouvoir de provoquer, un caractère sublime et si émouvant, que tous les mots, pour le traduire, me paraissent trop pauvres. »
 
La façon dont Christophe André lui-même définit la pleine conscience est claire et précise et rejoint les idées évoquées :
 
« La pleine conscience est la qualité de conscience qui émerge lorsqu’on tourne intentionnellement son esprit vers le moment présent. C’est l’attention portée à l’expérience vécue et éprouvée, sans filtre (on accepte ce qui vient), sans jugement (on ne décide pas si c’est bien ou mal, désirable ou non), sans attente (on ne cherche pas quelque chose de précis). La pleine conscience peut être décomposée en trois attitudes fondamentales. La première est une ouverture maximale du champ attentionnel, portant sur l’ensemble de l’expérience personnelle de l’instant, autrement dit, tout ce qui est présent à l’esprit, minute après minute : perceptions du rythme respiratoire, des sensations corporelles, de ce que l’on voit et entend, de l’état émotionnel, des pensées qui vont et viennent. La seconde attitude fondamentale est un désengagement des tendances à juger, à contrôler ou à orienter cette expérience de l’instant présent ; enfin, la pleine conscience est une conscience « non élaborative », dans laquelle on ne cherche pas à analyser ou à mettre en mots, mais plutôt à observer et à éprouver. »
 
Vivre en pleine conscience, cela correspond donc à respecter les Quatre Accords Toltèques (Don Miguel Ruiz) à chaque instant : Avoir une parole impeccable (ne pas juger), Ne pas en faire une affaire personnelle (ne pas analyser), Ne pas faire de suppositions (ne pas avoir d’attentes, ne pas rechercher un but précis), Toujours faire de son mieux (accueillir la réalité, le moment présent, observer et éprouver).
 
Les vertus soignantes de la méditation de pleine conscience (enseignée selon différentes techniques et écoles de la pleine conscience), qui consiste à accepter les ressentis et émotions sans chercher à les éviter ni à les amplifier,  sont aujourd’hui prouvées scientifiquement (même si nous n’avons pas besoin de cette preuve pour le vivre et le croire !).  Il existe un nombre important d’études scientifiquement valides attestant de l’intérêt de la méditation de pleine conscience dans différents troubles médicaux ou psychiatriques. Son impact se révèle dans des domaines variés tels que le stress, la cardiologie, les douleurs chroniques, la dermatologie ou les troubles respiratoires par exemple. D’ailleurs, le mot méditer vient de vient du latin meditari, de mederi, « donner des soins à »…
 
Vous pouvez pratiquer la pleine conscience à tous les niveaux et dans toutes les activités de votre vie…On parle de pratique formelle lorsqu’il s’agit de s’asseoir pour méditer en pleine conscience, et de pratiques informelles, lorsqu’on applique un état de pleine « présence » ou conscience dans d’autres activités simples comme manger, marcher, parler à quelqu’un en écoutant attentivement. Quand je dis « pleine » conscience ou présence, bien sûr cela reste un idéal vers lequel tendre, mais personne (sauf les sages et personnes éveillées) peuvent prétendre être en totale « pleine » conscience…il s’agit plutôt d’un effort « vers » cette plénitude de l’expérience.
 
 Si vous ne connaissez pas Tich Nath Than, je vous conseille vivement de lire ses enseignements (nombreux livres sur la pleine conscience). Après quelques jours passés à m’appliquer le plus possible sur ces pratiques dans ma vie quotidienne, ma première observation est que c’est extrêmement difficile de vivre en pleine conscience pendant une longue période de temps…Nos pensées, qu’elles soient critiques ou anxieuses, craintives ou négatives sont plus fréquentes qu’on ne croit, et elle nous distraient du moment présent ou nous rendent l’acceptation de la réalité difficiles. Les événements qui se produisent et nous déstabilisent, les comportements  inattendus des autres, notre angoisse liée au vide ou au lâcher prise quand il n’y a plus de contrôle, nos idées reçues ou  nos fausses perceptions, sont autant d’obstacles qui nous empêchent de « voir » (comme le voile d’ignorance « d’avidya » décrit dans les Yoga Sutras) notre état de joie et paix intérieure profondes. Mais d’un autre côté, les résultats de cette pratique simple sont phénoménaux ! Chaque instant pleinement conscient fait apparaître un sourire sur le visage ou dans les yeux, et nous fait ressentir même le temps d’un instant une grande joie intérieure, beaucoup de calme aussi.
 
Ce qui me plaît le plus dans cette exploration attentive, c’est que j’apprends à ralentir (y compris pour manger, me brosser les dents, prendre ma douche, pour parler), pour profiter et donner du sens ou de la qualité à chacune de mes actions, plutôt que de les traiter comme des tâches inutiles dans ma quête du bonheur, comme si elles n’étaient pas productives dans la recherche d’un but supérieur, mais qu’on ne pouvait s’en passer …alors qu’en réalité ce sont des moments aussi magiques que les autres, et il est possible de les percevoir ainsi.

En ralentissant, c’est un peu comme en créant du silence dans nos vies, on laisse la place pour que les « possibles » puissent arriver, se manifester. En pleine présence, on prend aussi soudainement conscience de tous les détails qui forment notre réalité…Parfois justement, c’est un tout petit détail qui nous avait toujours échappé, mais qui se révèle important ou déterminant dans les questions que l’on se pose ou les difficultés que l’on rencontre…
 
Allez, ça vous dit pas d’essayer pendant une semaine, en commençant demain matin en vous levant… ? Imaginez que vous mettez des lunettes spéciales pour être au monde et voir la réalité dans une nouvelle qualité de présence…

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Du courage pour être heureux en 2018

1/16/2018

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En écrivant mes vœux par message à quelques amis ces deux dernières semaines, je me demandais quoi écrire, en évitant les phrases toutes faites qui perdent leur sens au fil des années comme… « je te souhaite plein de belles choses pour l’année à venir », ou « plein de nouvelles découvertes » , « rencontres », « expériences »… bien que leur sens reste vrai – si tant est qu’elles ne soient pas répétées presque mécaniquement tous les mois de janvier.
Cette année, j’ai préféré souhaiter à mes amis, et notamment à mes amies les plus proches, du courage pour être vraiment libres. J’ai voulu nous souhaiter d’avoir le courage nécessaire pour faire les choses qui nous rendent vraiment heureux. Cette idée simple semble parfois tellement difficile à mettre en œuvre (comme toutes les belles idées qui se formulent si simplement qu’elles nous déroutent un peu…).
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Je suis sûre qu’en lisant cette phrase, plusieurs idées vous viennent à l’esprit, de ce que vous feriez dès aujourd’hui – ou au cours de l’année, si vous n’aviez aucune pression ou contrainte imposée de l’extérieur. C’est peut-être même un peu confus dans un premier temps. Comment faire pour clarifier ce qui nous empêche d’agir, ce qui fait que nous ne sommes pas déjà en train de faire ce qui nous rend heureux, ou plus heureux que nous ne sommes aujourd’hui. Et comment avancer dans la bonne direction ?
J’ai personnellement fait cet exercice pour commencer mon année avec des « résolutions » derrière lesquelles je puisse mettre plus de contenu, auxquelles je puisse donner du poids, pour m’aider à avoir envie, à être motivée et déterminée dans les avancées que j’ai choisies pour moi cette année. Je propose d’en détailler les étapes pour que vous puissiez essayer vous aussi si le cœur vous en dit – et peut-être apprendre des choses sur vous en le faisant, quelque soit le résultat final, ce serait déjà beaucoup.

Comme dans la plupart des choses que nous faisons dans la vie, le plus intéressant reste le processus, le chemin que nous empruntons et ce que nous apprenons de la vie et de nous-mêmes sur la route. Comme l’identification de nos samsaras et vasanas (dont je parlais dans le post d’octobre), l’exercice d’étude de soi en lui-même est souvent révélateur. Commencez par faire une liste exhaustive de toutes les choses (ou personnes) qui vous passent par la tête que vous rêveriez de faire, d’être, de voir, bref tout ce qui vous passe par la tête quand vous pensez à votre bonheur, à votre réalisation et épanouissement personnel. Essayez d’être le plus spontané possible et de ne pas vous censurer du tout dans cette première liste. Ce qui nous rend heureux ça peut aussi vouloir dire se débarrasser de ce qui ne nous rend malheureux ! Il y a déjà tellement de choses que nous aimerions arrêter de faire ou de situations dont nous aimerions sortir, que nous souhaitons changer. Ces éléments doivent faire partie de notre liste, si ce n’est être en tête de liste.

Dans un premier temps, il faudrait sans doute séparer ce qui est de l’ordre du rêve ou du fantasme pur, qu’il est évident que nous ne pouvons réaliser ou atteindre du moins pas dans l’immédiat, ou peut-être même pas dans cette vie J (devenir millionnaire, aller sur la lune, se téléporter, arrêter de vieillir)…de ce qui entre dans l’ordre des possibles mais que pour des raisons plus ou moins claires dans notre esprit, nous « n’arrivons pas » ou « n’osons pas » mettre en œuvre dans nos vies, ou qui nous semble encore loin.
Ne jetez pas la partie complètement irréaliste surtout, on peut imaginer lui donner une autre forme, la transformer (transcender ?) à travers la créativité…peut-être s’inspirer de ces rêves pour faire un collage (si vous savez dessiner ou peindre…pourquoi pas) ou pour écrire une histoire de fiction ou un poème (si vous êtes musicien, peut-être une chanson… J).

Dans un second temps, sur la base de la nouvelle liste de « possibles », j’ai tenté de faire la part des choses entre ce qui relève de ma vie et ma volonté propre et ce qui ne dépend pas de moi ou que je ne peux pas « changer ». Je n’ai pas d’enfants, mais si c’était le cas, cela serait le meilleur exemple d’une responsabilité de fait qu’il serait indispensable de prendre en compte dans mes décisions et les possibilités qui s’offrent à moi. Nous sommes responsables de nos enfants et c’est donc un élément qui intervient nécessairement dans les choix que nous faisons comme nous ne sommes pas seuls à considérer dans l’équation. Dans une certaine mesure, être en couple (selon la nature et le fonctionnement de chaque couple) implique également de considérer l’autre dans nos choix et notre « équation »  - mais tout dépend de quels aspects de notre vie il est question, car certaines décisions ne concernent que nous-mêmes (par exemple, ce qui concerne notre style de vie ou notre corps).  
Parfois, ce sur quoi nous ne pouvons pas avoir d’action, que nous ne pouvons pas « changer », relève d’une autre forme de condition particulière comme un état de santé (le nôtre ou celui d’un proche), un contrat qui nous lie et qu’il ne nous est pas possible de rompre, etc. Souvent, la limite entre ce face à quoi nous sommes impuissants et ce que sur quoi nous pouvons agir est ténue…

Ensuite, une fois réduite la liste des possibilités qui existent dans l’absolu pour notre année, que nous sommes « capables » de réaliser (ou d’arrêter, de transformer) mais qui semblent pourtant si lointaines ou difficiles à mettre en œuvre, on peut se demander (c’est selon moi la partie la plus intéressantes de l’exercice) quelles sont les entraves ou obstacles qui nous empêchent d’y croire ou de prendre les décisions nécessaires.  Ces décisions qui nous conduiraient sans doute à être plus heureux ou à accéder à un rêve, une aspiration, un objectif ou un simple désir.

Autrement dit, quelle est la part de notre conditionnement qui nous entrave ? Qu’est-ce qui nous bloque ou nous emprisonne ? Est-ce le regard des autres qui nous inquiète, nous fait peur ? Si oui, de quels autres : notre famille (c’est souvent le cas) ? Nos amis, notre partenaire ? Ou la société et les autres plus généralement ? Est-ce une question d’argent ? D’énergie ? Est-ce lié à l’image que nous avons de nous-mêmes, notre estime personnelle, on ne se « croit » pas vraiment capable, ou on ne « croit » pas mériter quelque chose ? Est-ce une autre peur, rationnelle ou irrationnelle, causée par des circonstances extérieures ou par notre propre monde intérieur et issue de notre passé ?  Je ne cite ici que quelques exemples de ces entraves à la réalisation de nos plus profondes aspirations, de ce qui pourrait (on ne peut jamais être sûrs à l’avance) nous rendre vraiment heureux…A vous de développer, pour chaque élément de votre liste, votre/vos obstacle(s) et d’en faire votre interprétation.

A partir de cette analyse, n’a-t-on pas déjà appris tellement sur soi et mis un peu de clarté dans nos résolutions ? En acceptant d’ajouter à notre liste des résolutions beaucoup plus courageuses que convenues,  mais aussi beaucoup plus inspirantes et prometteuses. En comprenant que la plupart des entraves à leur réalisation relevaient de constructions mentales, de croyances ou d’habitudes, ne nous est-il pas désormais possible de décider de les dépasser et de faire ce qui nous rend vraiment heureux, et de dire non à ce qui nous rend malheureux ?
 Pour être heureux, il faut être libre…Pour être libre, il faut être courageux, c’est là qu’intervient le courage dont je parlais au tout début. C’est là que nous devons regrouper nos forces : on peut le faire désormais avec une idée plus claire de ce pour quoi nous devons agir et prendre les bonnes décisions, parfois arriver à se détacher de certaines peurs ou cycle de culpabilité que nous construisons de toutes pièces.

Outre l’idée de « courage », on peut aussi parler de motivation, d’inspiration, de détermination, ou encore de cette « foi » que nous pouvons y arriver, selon l’image qui nous parle le plus. Plus on attend pour prendre les décisions pour se sortir de situations malheureuses, pour se défaire de nos entraves les plus marquées, et pour avancer vers nos vraies aspirations, et plus il sera difficile d’entreprendre ces changements. Il faut commencer dès que possible – dans le moment présent, avec chaque nouvelle respiration- et chaque nouvelle journée.

Cependant, ça ne veut pas nécessairement dire que tout doit changer ou arriver tout de suite, bien au contraire…Il faut parfois du courage pour accepter d’être fragile, vulnérable, car cela fait partie de qui nous sommes. Une deuxième qualité est à mon sens indispensable, il s’agit de la patience.  Face à cette liste d’aspirations, reste à savoir ce que je peux changer ou ce à quoi je peux accéder dès aujourd’hui (surement plus qu’on voudrait bien se persuader) et qu’est-ce qui doit nécessairement constituer un processus par étape, s’inscrivant alors dans la durée et impliquant de mettre en œuvre une à une les conditions pour accéder in fine à mon véritable souhait.

Or, il est très rare de combiner ces deux qualités sans effort : patience et détermination ou courage…J’ai l’impression d’avoir mis le doigt sur ce que j’avais le plus besoin de cultiver à l’aube de cette nouvelle année: pour moi, la clé résidera dans l’équilibre et la combinaison de ces deux qualités : patience et courage, courage et patience…

D’ailleurs, elles m’évoquent un autre équilibre dont j’ai déjà parlé les mois derniers…l’idée de patience relève d’une capacité à introduire dans sa vie une certaine lenteur (qui personnellement ne me vient pas spontanément ou facilement), contemplation, observation, lâcher-prise, laisser être, tandis que l’idée de courage se rattache à la notion d’action de détermination, de faire, d’avancée. Encore une piqûre de rappel pour nourrir dans nos vie une dimension « Yin » autant que « Yang »….

Pour finir, une fois mieux comprises nos aspirations, nos vraies sources de joies et de bonheur et les entraves liées à notre conditionnement, peut-être peut-on lâcher-prise de toute liste de résolutions….Et laisser la vie nous guider en toute liberté - gardant la barre de la patience et du courage? 
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Pratique de l'Equilibre...

12/14/2017

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La première vision que j’ai de l’Ayurveda, après à peine quelques cours avec le Docteure Padmini à Mysore, est celle d’une philosophie de vie visant à développer une sagesse et de l’équilibre. Equilibre dans le corps mais aussi dans l’esprit, les deux étant conçus comme intrinsèquement liés, et équilibre entre le couple corps/esprit et l’environnement extérieur où se meut ce dernier. Encore une fois, ma route m’amène à cette vérité simple et pourtant si compliquée à mettre en œuvre dans nos vies. Si fondamentale que tant de systèmes de pensées ou de pratiques la mette au centre : celle de la recherche de l’équilibre, du juste milieu, du rapprochement des polarités, de l’union, finalement de l’unité, comme clé d’un apaisement intérieur.

Je souhaiterais donc ajouter quelques réflexions éparses sur cette question de l’équilibre dans nos vies, présentées ci-dessous. Il n'y a aucune vérité ou démonstrations dans ce texte, je préfère dans mes billets laisser libre cours à mes pensées, un peu comme si je cherchais à discuter de ces sujets avec vous directement. Je serais donc heureuse d'en discuter de vive voix lors de nos rencontres futures, ou par écrit si nous n'en avons pas l'occasion.

La question de l’équilibre se pose à d’innombrables niveaux de notre vie, en citer quelques uns  permet de concrétiser cette idée et de rendre nos efforts plus accessibles…sphères après sphères, one step at a time.

L’équilibre le plus incarné, le plus visible, est peut-être celui de notre corps,  qui se manifeste physiquement. Mais celui-ci, dans le Yoga comme dans l’Ayurveda, ne peut pas être dissocié du corps. Je suis moi aussi convaincue, mais c’est une opinion personnelle bien sûr, que l’on ne peut dissocier la santé du corps et de l’esprit, l’équilibre de l’un et celui de l’autre. Comme je l’évoquais en introduction, l’Ayurveda pense tout en termes d’équilibre des énergies et des propriétés de la matière dans le corps et l’esprit. Ainsi, son objectif premier est la santé du corps et de l’esprit (Aryoga), qui se définit comme l’absence de déséquilibre, car c’est du déséquilibre que naît la maladie (physique ou mentale).

En Ayurveda, on considère la matière à travers sa constitution en termes d’éléments (Terre, Feu, Eau, Vent et Espace …) qui en se combinant donnent trois types de constituions (Kapha, Pitta et Vata ) ; puis on qualifie la constitution de la matière elle-même et les équilibres qui la régissent à travers ses qualités (des Gunas, au nombre de 20). Il s’agit donc d’analyser subtilement un état complexe de la matière à un moment donné au vu du dosage des propriétés ou forces à l’œuvre dans la nature, pour identifier où se logent les déséquilibres qui causent la maladie ou la souffrance dans le corps ou l’esprit. A travers une action sur nos activités quotidiennes (pratique physique ou du Yoga et Pranayama par exemple), notre alimentation, notre environnement (climat) et nos habitudes (heures des repas, sommeil), nous pouvons rétablir notre équilibre et donc notre santé optimale – qui est individuel, unique. C’est  une approche passionnante, et j’espère pouvoir le partager avec vous un jour…Renseignez-vous si vous êtes intéressés à en savoir davantage..c'est tout un système de pensée subtil et complexe qui s'offre à vous !

Ainsi, je réalise à quel point faire une pause dans une vie très active à Paris où j’étais dans un état d’épuisement physique presque constant, m’a permis tout naturellement (sans effort- sans « force ») de retrouver un équilibre : dans mon alimentation, ma pratique de Yoga (qui est plus « facile », moins en force et plus en légèreté) mon rythme de sommeil, la façon dont se déroulent mes journées. Je reste une personne très active, mais j‘équilibre mes moments d’activité mentale ou physique par des moments de détente, de repos et de contemplation. Notre corps/esprit « sait » intuitivement, ce dont nous avons besoin en termes d’environnement nourriture, d’activité, de pratiques – mais nous devons accepter de créer un silence d’où il nous sera possible de l’entendre exprimer ses besoins. Nous sommes tous différents, et nous devons tous adapter notre mode de vie à ce qui est « équilibré » pour nous. Par exemple, nous avons un poids « d’équilibre », qu’il nous faut apprendre à accepter lorsque notre corps le trouve, qu’il nous semble trop haut ou trop bas par rapport à un canon superficiel de beauté ou notre préconception de ce qu’il devrait être.

Ensuite, on pense moins souvent à l’importance de rechercher un équilibre dans la façon de mener nos vies, et notamment entre le « faire » et « l’être » Cela nous ramène aux notions taoistes du Yin et au Yang que j’avais évoqués les mois précédents…insistant notamment sur l’importance d’allier des pratiques plus méditatives ou passives à des pratiques de yoga plus dynamiques (c’était l’idée du stage organisé le mois dernier avec Jeanne au Dojo du Plessis).

Dans l’Ayurveda, on parle l’Agni et à l’Ojas…Il s’agit de trouver un juste milieu dans nos vies quotidiennes et notre façon d’être au monde, entre un principe actif, dynamique, et un principe plus passif, contemplatif. Pourquoi être ennemi du Yin, de l’inaction…Alors qu’en réalité, c’est de l’inaction que peut surgir la création ! Nous ne sommes pas créatifs, ou n’avons pas l’opportunité de laisser notre créativité s’exprimer lorsque nous sommes engagés dans des activités innombrables, dans un « faire » permanent. On s’illusionne sur le fait que le que le « faire » est « productif » car en réalité, très souvent il ne « crée » rien, ne fait rien émerger de nouveau. Le système capitaliste dans lequel nous avons grandi cherche à nous convaincre que le terme « productif » et synonyme de « créatif »…deux termes à la signification pourtant très différente.

Au contraire, la sagesse orientale nous rappelle que le pouvoir créateur réside dans ce féminin (la mère), dans le Yin ou dans l’Ojas  (de l’Ayurveda - au contraire de l’Agni) , c’est dans cette « passivité » que réside le principe de vie ! Si nous souhaitons créer du nouveau, notre réalité, notre vie, nous devons impérativement nous « défaire » de ce conditionnement au « faire » comme objectif de vie premier. Dans mon cas par exemple, ayant depuis très jeune été tournée vers l’action et l’(hyper)activité dans mon quotidien, je me percevais avant ce voyage comme « peu créative » ou capable de peu de créativité….Bien que j’avais déjà l’intuition que ce sentiment était biaisé. Finalement, je ne me suis jamais sentie aussi inspirée, avec une folle envie de créer (sous toutes les formes) que depuis que j’ai plus de temps pour laisser ce principe « passif » ou dormant se manifester et éclore.  Je crois aujourd’hui sincèrement que si nous souhaitons peupler notre vie de nouvelles « naissances », de créations, sous toutes leurs formes, il nous faut ralentir et laisser la place au silence, au vide créateur. Si nous l’étouffons et le comblons en remplissant trop notre quotidien et notre esprit, nous risquons de passer à côté de ce qu’il y a de plus beau et de plus épanouissant dans la vie : l’expérience du pouvoir créateur.

D’ailleurs, ce silence est ce que nous recherchons quand nous méditons, rien de moins, rien de plus. L’équilibre que retrouve notre esprit quand on se concentre sur un rythme régulier de l’inspiration et de l’expiration (comme le métronome), nous aide à trouver ce silence et à le faire durer, à l’accepter sans crainte du vide. C’est ainsi que nous arrivons à méditer, même si ce temps de silence ne dure parfois que quelques respirations, avant que le bruit de nos pensées et de notre mental (souvent en nous rappelant quelque chose que nous avons à « faire » )  ne vienne à nouveau pour combler ce vide qui nous fait si peur. Nous asseoir pour ne rien faire de spécial, et tenter de ne rien penser non plus…ou a minima rester observateur de nos pensées, est un exercice encore plus ardu si nous sommes hyperactifs dans nos quotidiens. Il s’agit à nouveau d’accepter d’être dans la contemplation simple de nos pensées, et non dans la réaction, ou l’agir.

Mais comme la majorité des choses les plus intéressantes et qui valent le plus la peine d’être vécues…elles sont aussi les plus difficiles à mettre en place. Je veux bien en témoigner, la réduction de mon hyperactivité étant, bien que réelle depuis quelques mois, encore toute relative, au même titre que mon acceptation de l’inactivité chez autrui…Mais je vois déjà pousser les graines de cette inactivité et de silence dans ma vie, j’ai laissé la place à de magnifiques nouveautés, surprises, événements et rencontres inattendues, en ne cherchant pas à les « produire ».

L’important n’est-il pas déjà d’ouvrir les yeux et d’être conscients de nos réflexes et de nos mécanismes, et ensuite de mettre en œuvre les efforts dont nous sommes capables dans le moment présent pour se rapprocher de l’équilibre ? Dans cette recherche, gardons à l’esprit que nous sommes tous différents, avec des parcours de vie uniques et que nous ne partons pas du même point de départ…Toute comparaison avec autre s’avèrerait donc inutile, inapplicable, et pourrait même être source de souffrance.
L’équilibre entre notre rapport à nous-mêmes et notre rapport aux autres (pour évoquer à nouveau faire le parallèle avec l’Ayurveda - entre notre Ahamkara, terme sanskrit pour parler de la sensation du « je », ego,  et les  Ahamakara des autres) est un autre exemple intéressant. 

Ainsi, où place-t-on le curseur de ce juste milieu entre exister pour soi et en tant que soi et exister pour ou à travers les autres ? C’est sans doute une question que beaucoup d’entre nous nous posons au quotidien, ou plus radicalement de façon cyclique, en temps de crise lorsque que nous sommes justement confrontés à notre échec d’avoir trouver cet équilibre. Comment laisser nos désirs s’exprimer et s’extérioriser,  comment manifester notre désir d’exister et de se « réaliser » sans occulter le désir des autres ni le laisser occulter le nôtre ?  Un petit clin d’œil (ou un énorme merci pour être plus sincère) à ma mère, ma plus grande supportrice dans cette quête ô combien difficile qui plus est en tant que femme, et qui constitue pour moi une source de force et de courage dans les périodes de remises en question. Mes deux parents ont placé, je le réalise chaque jour un peu plus, cette quête de vérité et d’intégrité au centre de notre éducation, rendant cette exigence aussi forte envers nous-mêmes qu’envers les autres. C’est aujourd’hui une qualité du coeur que je reconnais et admire chez les personnes que je rencontre et qui comptent pour moi.

Il est très difficile de reconnaître notre propre désir de celui d’autrui, et parfois tellement plus facile d’agir en fonction du dernier pour éviter la dure tâche d’apprendre à se connaître vraiment. C’est pourtant sans doute la seule façon d’être heureux et épanoui dans notre relation aux autres. Par exemple, ce n’est qu’en ayant identifié son propre désir que nous pouvons espérer engager un processus de compromis sincère et vrai avec un ami, un parent, un partenaire. Sinon, le postulat de départ (« mon désir face au tien » est déjà biaisé).  Combien de fois cela vous est-il arrivé d’être frustré suite à une décision prise « en commun » avec une autre personne, car ce qui apparaissait de l’extérieur comme un compromis entre la vision ou l’envie de l’un et celle de l’autre vous apparaissait intérieurement comme beaucoup trop éloigné de ce que vous désiriez intimement ?

On se persuade parfois d’avoir le « devoir » d’accepter ou d’honorer un compromis qui n’en est pas vraiment un…Les vrais compromis sont souhaitables bien entendu, mais on devrait questionner tous les compromis que nous faisons dans notre vie, plutôt deux fois qu’une, pour être convaincus de leur bien-fondé... Inconsciemment, l’inverse créera nécessairement de la souffrance, qu’il ne sera que plus douloureux de refouler…Encore une fois, nous devons faire un effort pour trouver un juste milieu dans les rapports entre soi et les autres pour être en paix avec soi-même autant qu’avec autrui, et ne pas confondre compromis et sacrifices… (rien qu’en écrivant ce mot je réalise son poids).

Une discussion récente (...) m’a aussi permis de prendre conscience du caractère évolutif du désir. En effet, comme toute chose dans l’univers, notre désir est en changement subtil constant, et il évolue au cours de notre vie, des années qui passent et de notre propre histoire. Sonder son désir est donc un exercice qui doit se répéter, autant de fois que nous ressentons une sensation de déséquilibre, de malaise, de doutes dans l’une des facettes de notre vie. Notre désir à 15, 25, 35 ou 55 ans n’est pas le même, bien heureusement. Comme les éléments qui nous composent, il est en constante évolution.

«La liberté des uns commence où s’arrête celles des autres » est un beau précepte dans le cadre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1789 ouvrant le champ à la vie en communauté ; la formule de Sartre « Ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui » est également intéressante dans le cadre d’un positionnement face à un engagement politique. Mais pourquoi de pas ajouter une troisième formulation qui pourrait être « La liberté des autres s’arrête là où la mienne est remise en question », perspective qu’il serait utile de garder à l’esprit – car dire non, c’est aussi être libre (ce qui est vrai pour nous tous, et particulièrement important pour les femmes).

Enfin, on peut finir par évoquer un des équilibres qu’il me semble assez complexe à atteindre: j'aimerais ouvrir  la réflexion sur l'atteinte d'un juste milieu et d'un équilibre viable  dans le cadre d’un projet professionnel et de vie.

Comme certains d’entre vous le savent déjà, je songe peut-être m’installer à Lisbonne l’année prochaine à mon retour de voyage. Je compterais doucement y installer les prémices d’un projet professionnel axé autour de l’enseignement du yoga, bien sûr, mais qui n’aurait pas vocation à s’y limiter. Dans l’idée, il pourrait s’inscrire, à terme, dans le cadre plus large de la création d’une communauté de personnes réfléchissant ensemble à de nouveaux sujets d’étude (autour notamment du corps, des arts, de la santé, de la vie en communauté, de l’éducation, de la transmission…) sur la base de valeurs et de convictions communes. Sans grande ambition de départ autre que celle de ne pas accepter les règles qu’on nous impose dans le travail et la vie en société si celles-ci nous révoltent ou nous avilissent, et d’être libres d’explorer les sujets qui pourraient nous conduire vers une vie plus consciente et plus libre (ce qui semble déjà pouvoir nous occuper pour plus d’une vie !).

Dans le cadre de l’ouverture potentielle d’un centre ou association dont l’une des activités principales serait l’enseignement du yoga, je suis actuellement en phase de réflexion sur l’équilibre entre pérennité financière du projet et respect de cette exigence d’ouverture et d’inclusion. Comment équilibrer la nécessité de « faire de l’argent » pour vivre et durer, et celle de garder la communauté, l’échange et le partage comme valeurs centrales du projet ?

Si vous avez déjà réfléchi à ces questions, par intérêt personnel ou dans le cadre de vos propres projets professionnels, je serais ravie d’entendre vos opinions et vos conseils au début de cette petite grande aventure J
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Pratique du non-attachement et engagement dans sa vie: une interprétation

11/12/2017

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En fait, pour cette seconde newsletter, j’avais d’abord pensé à vous parler de la question de l’équilibre, notamment celui dont nous parle le Tao, équilibre entre le Yin et le Yang. Comme j’ai pu en discuter avec certains d’entre vous, j’ai participé à une formation en Yin Yoga avec Biff Mithoefer en septembre à Munich, qui m’a beaucoup dévoilé sur cette question de l’équilibre…Et nous avons exploré à nouveau cette question au cours du weekend au Dojo du Plessis.

Mais je ressens après nos échanges avec Nicolas, Nathalie et d’autres au cours de la retraite, presque comme une urgence (intérieure soyez sans crainte ! ) d’écrire d’abord quelques lignes sur la question du lien entre pratique du yoga et du non-attachement, et engagement dans la vie (toute forme d’engagement, qu'il s'agisse du militantisme et engagement pour une cause ou d'activités à caractère social, écologique, humain, culturel dont l’objectif est un intérêt collectif et solidaire – et non individuel).

Il existe de nombreuses similitudes dans les concepts présentés par les traditions bouddhistes, hindouistes et du yoga,  celles-ci ayant des origines communes, notamment au regard de textes anciens qui se recoupent parfois mais aussi de leur lieu d’émergence et des interactions (et dialogue) qui ont existé entre elles au cours des millénaires.  L’un des concepts centraux présent dans ces traditions et d’autres, est celui du non-attachement, ou du « détachement » (Vairagya en sanskri, concept qui se retrouve dans les différentes spiritualités orientales)

Lorsque la signification de ce concept est simplifiée pour être expliquée vite et au plus grand nombre, on a tendance à l’interpréter trop vite comme une vertu qui consisterait à ne plus être attaché aux choses de la vie, qu’il s’agissent de biens matériels, mais aussi de personnes, ou d’objectifs, de désirs. Grâce à la pratique de la méditation et du yoga, l’idée semblerait ici de se défaire de toutes nos « attaches » et de laisser les événements de la vie « glisser » sur nous et ne pas nous atteindre, donc ne pas nous faire souffrir.

Or, si on creuse un petit peu cette idée, déjà elle nous questionne. En effet, cette équanimité décrite comme l’une des vertu principales dans le bouddhisme, ne semble-t-elle pas dans les faits se rapprocher dangereusement de l’indifférence… ?

Si nous apprenons à nous détacher de nos biens, mais aussi de tout ce qui nous affecte, ne risquons nous pas de tendre vers une vie de renonçant qui n’aurait plus de désir mais risquerait de rejeter dans le même la souffrance d’autrui, perdant alors dans le même temps toute forme d’agir…et de désir d’agir.. ?


Où se place cette limite dans l’interprétation du non-attachement, entre l’indifférence et, au contraire, le concept d’amour inconditionnel qui représente la vrai quête du yoga et l’essence de notre « être supérieur » ; ou comment mieux comprendre cette notion de détachement afin de pouvoir l’utiliser dans une vie libre, et donc responsable ? Je trouve personnelle la question pertinente, car j’ai vécu cette ambivalence et ces questionnements au moment où je me suis engagée dans la voie du yoga. Peut-être verrez-vous certaines correspondances avec des doutes que vous avez pu avoir, ou des phases de transformation que vous avez vécues.

J’ai grandi dans une famille très engagée et militante, avec deux parents enseignants dans l’éducation nationale. Mon père était (je parle au passé faisant référence à mon enfance, mais ils font toujours le même métier !) un syndicaliste déterminé et brillant, qui avait le cœur généreux, altruiste et donc profondément révolté par les injustices qui lui étaient données de rencontrer. Il avait le talent de réunir, motiver, mobiliser – faire naître chez les gens l’esprit de résistance, de combativité, et d’espoir.  Ma mère était une professeure féministe militante, élevée par des opposants à la dictature brésilienne, en plus d’être d’une nature courageuse et sans concession sur ses valeurs et ses convictions profondes.

J’ai donc participé de nombreuses manifestations des grandes luttes importantes qui ont traversées mon enfance, puis participé de mobilisations lycéennes à mon adolescence, développant encore cet « instinct » d’action collective et de solidarité – apprenant à distinguer l’essentiel du superficiel et à résister aux concessions sur ces valeurs fondamentales. Les mêmes qui pourtant sont continuellement bafouées dans notre société…La lutte contre l’injustice s’est donc installée comme un souci important dans ma vie.  Cet esprit militant s’est quelque peu noyé dans la quête identitaire qui a suivi mon adolescence…(nous sommes tous déjà parfaits tels que nous sommes, dans le sens que nous sommes déjà tous ce que nous pouvons être à cet instant précis, mais nous sommes par ailleurs très imparfaits bien sûr…) En d’autres termes…J’étais un peu perdue et ma personne (mon identité, mon ego, sa construction) prenait beaucoup de place dans ma recherche existentielle pour que l’engagement vers les autres soit au centre de cette période de vie.

Mais j’ai toujours gardé le souci d’aider les autres (et notamment ceux victimes d’injustice ou dans le besoin) pendant mes études, en m’engageant dans des associations de quartier mais aussi dans différentes activités intégrées à mon quotidien. Je souhaitais dédier ma vie à l’humanitaire en suivant un Master spécialisé sur la question, et les opportunités qui se sont finalement présentées m’ont orientée plutôt vers le domaine du développement international, système auquel je croyais pouvoir adhérer, du moins en partie ou suffisamment pour me sentir utile et agir à la réduction des inégalités.

Ce récit de mon histoire personnelle sensé être un contexte à la réflexion par le partage d’expérience est déjà très long (à croire que je pourrais encore rédiger des pages et des pages), je vais accélérer la fin de l’histoire pour revenir l’idée du détachement et de l’action. Après plusieurs années de pratique de yoga, en parallèle de mon travail dans le développement quelques temps, j’ai décidé que travailler pleinement dans ce domaine ne me convenait pas et que je souhaitais me consacrer à la pratique et à l’enseignement du yoga. C’est la façon que j’ai finalement choisie, ou l’une des façons, pour être « utile », aider les autres, agir, faire quelque chose, contribuer au changement – c’est un outil parmi d’autres, qui chez moi résonne plus que l’humanitaire ou le développement tel que je les ai côtoyés. Mais chacun doit trouver son propre vecteur pour agir, s’engager, être dans le « Karma Yoga » comme la métaphore célèbre d’Arjuna partant au combat dans la Bhagavad-Gita, le Yoga de l’Action.

Je réalise chaque jour un peu plus que la pratique et l’expérience sont fondamentales dans le Yoga pour nous permettre de cheminer dans la bonne direction, et ne pas perdre de vue l’objectif de la pratique. Etant moi-même encore jeune et n’ayant que 7 années de pratique du yoga derrière moi, je suis encore à l’aube de ce cheminement – mon seul recours pour garder un cap juste, est de continuer à questionner, douter, apprendre et étudier chaque fois qu’il m’est donné de le faire, évoluer et m’inspirer des bonnes personnes.

Il existe une phase, quand on commence à être vraiment « hooked » ou passionné par le yoga ou ma méditation, où on a cette impression de se redécouvrir, apprendre à finalement se connaître et s’écouter, et à reconsidérer toute notre vie sous un nouvel angle. Cette phase où nous retrouvons un peu de « sens » à une vie qui en était peut –être dépourvue en partie, ou que nous n’arrivions plus à discerner, nous donne une grande sensation de joie, de liberté, mais s’accompagne souvent également d’une certaine forme de repli ou de « recentrage sur soi ». On nous donne l’autorisation parfois pour la première fois de « s’occuper de soi » , de se connaître « vraiment », de « s’aimer » et « s’accepter »…Autant de conquêtes primordiales dans la construction d’une bonne estime de soi saine et équilibrée…Que je ne remets absolument pas en cause, et que je nous souhaite à tous ! Nous avons d’ailleurs absolument besoin de cette reconnection avec soi-même et le besoin de nous connaître pour comprendre ce que nous souhaitons pour notre vie.  Mais cette transformation peut sans doute dans un second temps continuer et aller plus loin que cette phrase, si on s’attache à la pratique suffisamment longtemps et assidûment, continuer de se produire. En approfondissant notre cheminement et en passant ce premier « cap » d’émancipation et de libération, on peut continuer et devenir véritablement capables d’aider les autres. 

Une fois que nous avons, grâce au yoga ou la méditation, commencé à déconstruire pas à pas les murailles de notre conditionnement, les limitations illusoires dont nous souffrons commencent à s’estomper et nous sommes capables d’une certaine prise de distance vis-à-vis de notre vie et de ce qu’il s’y passe. C’est ici que la notion de souffrance (dukkha) apparaît,  puisque nous avons cette impression de moins « souffrir » de certaines choses. L’objectif de la pratique du yoga est avant tout de nous libérer de l’ignorance (Avidya) (le « voile d’ignorance » devant nos yeux), ou encore l’illusion dans laquelle nous vivons, car elles nous maintiennent dans la souffrance (dukkha). 

L’idée de non-attachement doit ainsi être recherchée comme un idéal mais elle ne pourra se concrétiser réellement qu’une fois notre conditionnement  entièrement dépassé et notre « voile d’ignorance » sur qui nous sommes profondément soulevé…en d’autres termes, notre attachement si fort aux choses, aux personnes et aux émotions qui composent notre vie est à la fois une source de notre souffrance et une conséquence de notre état d’ignorance.

Il serait une illusion de penser que l’on pourrait atteindre un véritable non-attachement, à moins d’atteindre l’éveil (je ne doute pas que vous y arriverez ! j’en suis moins sûre en ce qui me concerne… ;), et ceux qui décident de se retirer du monde pour se consacrer à cette quête font aussi le choix, il est vrai, de ne pas agir dans le sens d’une mobilisation collective ou solidaire à laquelle nous ferions référence communément quand on parle d’engagement.

 Soyons donc plus juste pour finir notre raisonnement, et parlons d’une « diminution » de l’attachement plutôt que du détachement complet.  Quel bénéfice peut nous apporter « moins » d’attachement dans notre désir d’aider les autres êtres humains, de changer les choses, de lutter contre les injustices et les inégalités ? Etre moins attaché aux biens matériels, et être capable de s’en détacher sans souffrir mais aussi et surtout avoir besoin de moins et pas de plus que du nécessaire, semble le point qui pose le moins question. Cela nous semblerait profitable de façon assez consensuelle, en permettant  une première forme de résistance à la surconsommation et au capitalisme, et donc de concentrer plus d’efforts et d’énergie sur d’autres activités que la consommation, telles que sa propre émancipation ou des actes de solidarité.

Ce qui cause plus problème en revanche est l’idée de se détacher des autres, et notamment de ses émotions ou ses sentiments à leur égard.  On pourrait être amené à penser que le moins ressentir conduirait nécessairement au moins réagir. Je crois que le fait d’être moins soumis à sa propre identification aux autres peut être au contraire une force pour être en mesure de mieux agir, y compris pour les autres.

Une prise de distance vis-à-vis de nos émotions, et le fait d’être en mesure de les observer et de les accueillir sereinement peut nous aider à être plus clairvoyant et sans doute plus juste dans  nos choix et notre positionnement face aux autres. Le fait de mieux nous connaître (être observateur, spectateur de soi-même comme on le suggère souvent dans la méditation), et de prendre conscience de mécanismes inconscients qui sont à l’œuvre dans nos émotions ou nos désirs conscients (voir le texte publié le mois dernier sur les samskara & vasana), peut aussi contribuer à nous faire agir avec plus de vigilance ou de prudence, sans pour autant diminuer notre détermination ou notre conviction.

Etre « à la merci » d’émotions parfois passionnelles, y compris face à un sentiment d’injustice concernant autrui,  les ressentir pleinement et être submergé par elles peut être source d’énergie et de combativité en apparence mais aussi risquer de nous aveugler ou de fausser notre vision de la réalité. Une vision trop absolue ou non distanciée de la réalité qui nous entoure pourrait dans certains cas nous révolter à tel point que toute action nous apparaitrait insuffisante, constat qui pourrait alors nous paralyser dans notre capacité d’agir.

Dans certains cas, cette vision « affective », partiale de la réalité peut même conduire à des dérives telles que l’extrémisme ou le sectarisme, malheureusement trop répandues dans le monde, manifestation de ce « voile d’ignorance » qui empêche l’homme de voir ce  qui est vraiment, et indirectement d’être libre et heureux…
Dans certains cas, nous avons plus ou moins l’illusion de détenir LA seule vérité, ou LA seule façon d’agir. Posons-nous un instant cette question sur nos convictions les plus fortes : les percevez-vous comme des vérités discutables et partielles, ou comme des vérités absolues et universelles ? Aussi difficile à accepter moralement que cela puisse paraître, le Yoga nous aide à nous souvenir qu’une vision manichéenne du monde et des injustices n’est ni juste, ni souhaitable. Bien que certaines valeurs soient fondamentales pour le bien de l’humanité, sans aucun doute, la notion de bien elle-même est relative et le caractère absolu de ces valeurs doit toujours être pondéré.

Tout comme la question de l’équilibre évoquée en introduction de ce texte, le Tao nous enseigne la présence du rien dans le tout, du tout dans le rien mais aussi du tout dans  le tout et du rien dans le rien…du Yin et du Yang qui forme toute chose manifestée à égale mesure…et non à travers un dualisme Yin versus Yang.
En d’autres termes, rien n’est complètement noir ou blanc. La pratique de la méditation et du yoga peut nous aider à ressentir et appréhender cette idée plutôt abstraite à première vue. Par cet exercice répété et constant de non attachement à nos vérités : qu’il s’agisse d’un sentiment de possession sur un objet ou une personne (un conjoint ou nos enfants par exemple) ou d’un sentiment de révolte, d’injustice, de peur ou de tristesse ou de joie (etc.), nous faisons l’expérience de la relativité, de l’impermanence, ainsi que de la place de notre ego dans notre propre subjectivité.

Par conséquent, nous devenons au fil des années de pratique plus humbles,  plus matures, des qualités indispensables pour parvenir à mettre en place dans sa vie un engagement le plus honnête et le plus désintéressé possible (encore un idéal vers lequel tendre sans prétendre à l’atteindre) sur le long terme. C’est du moins mon sentiment personnel. L’humilité vis à vis de ce que nous entreprenons pour aider (quelque soit la cause choisie) repose sur notre non-attachement des résultats de cette action. C’est là que réside le caractère désintéressé de l’engagement et de l’amour que nous pouvons rechercher.  Dans ce cadre peut véritablement émerger la compassion (Karuna), autre concept central du bouddhisme.

On peut se souvenir un instant des quatre accords toltèques (Don Miguel Ruiz) pour ceux qui les connaissent, car ils s’appliquent particulièrement bien à cette question de l’engagement et de la pratique du yoga…si on regarde de plus près, ces accords nous parlent tous du non-attachement : apprenons à ne pas avoir d’attentes (se « détacher » de nos attentes vis-à-vis des autres et de nous-même ; ce qui nous évitera par exemple de juger ceux qui ne sont pas « engagés » de la même façon que nous…), à ne pas avoir de préjugés (cela implique de s’en «détacher »  car nous sommes tous conditionnés par notre éducation et notre environnement de naissance), ne pas prendre les choses personnellement ou contre soi (se « détacher » du jugement des autres et de son propre jugement envers soi – les deux n’étant que la résultante d’une forme « d’ignorance » chez soi ou chez les autres), et enfin faire de son mieux dans toutes les situations : nous revenons ici à l’importance d’être dans l’action, le Karma Yoga, l’engagement, mais de façon détachée… J

En outre,  la pratique du yoga et de la méditation nous apprend la patience (ça fait combien de temps que vous essayez de méditer plus de 10 minutes sans vous interrompre ou de réussir telle ou telle posture…. ? ;). Celle-ci qui peut nous aider à prendre de meilleures décisions quant à l’action à entreprendre, la cause qui sera « bonne » pour nous (nous sommes tous différents et nos missions de vie aussi !), elle nous permet aussi d’accepter notre capacité d’action telle qu’elle est – à nouveau pas la même que celle du voisin: la forme et la profondeur de l’engagement que nous sommes en mesure d’avoir dans le moment présent nous est propre.

Il faudrait se détacher (encore une fois ! on a du travail) de la culpabilité (qui nous ronge tous plus ou moins, de façon plus ou moins assumée ou consciente certes mais tout de même…) de ne pas être suffisamment engagé dans sa vie, ou pas pour des idées ou causes « importantes ». Au contraire, nous sommes tous capables d’agir pour une cause aussi précise ou « limitée » en apparence soit-elle, nous devons simplement trouver celle qui est juste pour nous et compatible avec qui nous sommes. En revanche, je m’aventurerais pour finir à prendre position contre un « désengagement » total, observé trop souvent chez les plus puissants de la planète, mais aussi au sein de chacun de nous par moment, et certains diront, de plus en en plus répandu dans nos sociétés modernes en général.

Celui-ci constitue un danger, car en refusant d’assumer toute forme de responsabilité vis-à-vis des autres, de la planète, et de nous-mêmes, nous mettons directement en risque notre liberté. Ce désengagement apparaît d’ailleurs comme reflet d’une forme de souffrance (dukkha) de plus en plus profonde et étendue… et notre engagement dans une pratique de yoga ou de méditation est souvent le tout premier pas vers une reprise en main de notre liberté et à terme de notre responsabilité.

La sur-commercialisation actuelle du Yoga et sa médiatisation nous obligent, en tant que professeurs et en tant qu’élèves, à une vigilance, une prise de distance et un esprit critique sur nos propres choix, si nous voulons éviter de trop nous éloigner de l’essentiel.  C’est en cela que la pratique du non-attachement, et de tout ce qu’elle implique, peut être perçue comme un apport et un soutien à un processus collectif d’émancipation d’un système qui nous contrôle.

​Mais l’engouement croissant pour le yoga et les pratiques autour du bien-être ou de la méditation,  et le développement rapide de ces pratiques,  est dans le même temps, j’en suis intimement convaincue, une excellente nouvelle pour l’avenir de l’humanité : comme un tout petit premier pas de fourmi vers un « ré » engagement porteur d’espoir…
 
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    Professeur d'Ashtanga / Vinyasa yoga et voyageur avide
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